Duverne et son fameux lancer de chrono

“Dans ma vie, je n’ai pas fait que lancer un chrono”, déplorait Robert Duverne un an après les faits. Mais cette scène qui lui colle à la peau, symbolique de la tragédie Knysna à la Coupe du monde 2010, restera à tout jamais gravée dans les esprits de ceux qui ont vécu ce drame hallucinant en mondovision. “Je vois les joueurs traverser la pelouse pour aller signer des autographes vers ces gamins qui étaient invités, s’est souvenu, dans Team Duga, celui qui était alors le préparateur physique de l’équipe de France. Et en fait il n’y a pas le protocole habituel où les gars descendent avec les chaussures, puis vont vers le banc pour les enfiler.” La discussion entre Patrice Evra et Raymond Domenech ne lui échappe pas.

“C’est à ce moment-là que je devine qu’il se prépare quelque chose. Les joueurs ne sont pas équipés pour s’entraîner. C’est pour ça que je m’approche du duo, pour m’enquérir de la situation.” A sa manière, de façon véhémente: “J’ai un ‘body language’ qui est assez expressif, ça fait partie de ma personnalité. C’est plus une altercation, d’un rapport entre le préparateur physique et un joueur pour dire: ‘il faut s’entraîner’. Raymond me dit: ‘Robert, il y a des caméras en haut dans la colline. Pat aussi. Ils n’ont pas envie de ça devant les caméras. Ils m’avertissent à plusieurs reprises. Je reste focalisé et énervé. On est un peu à bout de nerfs par rapport aux sacrifices consentis, à la compétition. Je m’emporte. Mais je ne m’emporte pas parce qu’il y a des propos insultants. Je m’emporte pour être convaincant et dire: ça ne peut pas se passer comme ça.”

Quand Manardo refuse de lire le communiqué

En tant que chef de presse des Bleus, François Manardo est extrêmement sollicité ce jour-là. Les médias lui réclament les photos qu’ils n’ont pas pu prendre depuis le début de la Coupe du monde. “J’en avise le directeur de la sécurité de l’équipe de France, s’est-il souvenu dans Team Duga. Il est totalement affolé quand il décroche le téléphone. Je n’ai même pas le temps de formuler la question parce qu’il me dit: ‘Ils ne vont pas s’entraîner, ils sont en basket.’ Je raccroche. J’entends alors – j’ai encore le bruit dans l’oreille, dix ans plus tard – comme des bruits de mitraillette. En fait, les photographes voient la scène entre Robert (Duverne) et Patrice Evra, ça commence à s’envenimer.”

Les joueurs se regroupent et se dirigent vers le bus. Un homme se détache, il s’agit de Patrice Evra. “Il me tend un papier et me dit simplement: ‘va lire ça, c’est de la part des joueurs de l’équipe de France’. Je lis le truc en diagonale et je comprends que c’est un acte de solidarité vis-à-vis de Nico (Anelka) qui a été dégagé la veille. Pour moi qui suis salarié de la Fédération, il est hors de question de lire ce communiqué. Ils l’ont pondu et imaginé. Je n’ai pas à le lire, donc je monte dans le bus pour dire à Pat: ‘vous faites ce que vous voulez, c’est à vous de le lire. Tu es le capitaine, c’est à toi de le lire’. Et là, je ne m’en étais pas aperçu, mais Raymond m’avait emboité le pas. Il me demande le communiqué de presse et le lit pour arrêter cette mascarade, il veut vraiment que ce psychodrame s’arrête.”

Valentin et le “piège” tendu par les Bleus

Ce 20 juin 2010, les Bleus refusent donc de s’entraîner. Directeur délégué auprès des Bleus, Jean-Louis Valentin quitte le terrain d’entraînement et livre sa colère d’homme devant les caméras. Il démissionne, à la stupeur générale. “Ce qui s’est passé, c’est qu’on a été totalement piégés, a-t-il déploré, dix ans après les faits. On avait discuté toute la journée de la veille avec les joueurs. Il ne faut pas croire que la décision d’exclure Anelka, la manière dont tout cela a été fait, s’est fait sur un coup de tête de Domenech ou une décision arbitraire de la fédé. Cela a duré 24h pendant lesquelles on a essayé de mettre les choses au clair en essayant d’ailleurs d’éviter cette décision ultime.” Il est alors à mille lieues de se douter de ce qui se trame dans leur dos. 

“Nous pensions très sincèrement que l’épisode était clos, a-t-il soutenu. Pas dans des conditions brillantes certes, mais qu’on allait pouvoir se projeter sur le match de l’Afrique du Sud. Tout le dimanche se passe plutôt bien. Si on avait eu le sentiment ou l’impression que se préparait un scénario de ce type, nous aurions tout fait pour l’éviter. On aurait réglé les choses en amont. C’est une faillite collective. Il n’y avait pas relation une fluide entre joueurs et Domenech, ni entre Domenech et le président. Je pense que Domenech est arrivé psychologiquement fatigué à cette Coupe du monde. Il y avait eu un climat de remise en cause à la fois de l’équipe de France, de la fédé, du sélectionneur. Pendant deux ans, c’était très dur à vivre, y compris pour les joueurs.”



Source de l’article, 2020-05-19 08:56:41

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