Seul tombeur de l’Argentine lors de la Coupe du monde 2022, Hervé Renard, sélectionneur des Faucons Verts, analyse le développement du football saoudien, marqué pour l’arrivée de Cristiano Ronaldo à Al-Nassr. A retrouver dans le podcast After Galaxy.

Hervé, qu’est-ce que cela vous fait de réentendre ces buts en VO face à l’Argentine lors de la Coupe du monde 2022?

Ça restera toujours émouvant, c’est un match qui va rester dans l’histoire à jamais, notamment et principalement, l’histoire de l’équipe nationale saoudienne. Donc, c’est toujours bien de marquer l’histoire, que les gens s’en rappellent pendant très longtemps c’est ces événements qui font que le jour où on disparaîtra, on se souviendra de quelque chose au moins.

Le Mondial avait bien débuté avec ce succès face aux Argentins mais les Saoudiens ne sont pas allés au-delà de la phase de groupe. Quel bilan faites-vous du Mondial de l’Arabie Saoudite?

L’idée première était de donner une belle image du football saoudien sans pression particulière, ça a même été annoncé par les plus hautes sphères de l’Etat, notamment par son prince MBS (Mohammed ben Salmane) qui ne nous a pas mis de pression particulière, juste faire de notre mieux. Notre mot d’ordre était de rêver de ces huitièmes de finale, sauf qu’on n’a pas réussi à le faire. Ça ne s’est pas joué à grand-chose mais en football, le pas grand-chose c’est un espace qu’il faut réussir à combler au fil des années. C’est ce que l’Arabie Saoudite va essayer de faire dans les prochaines années.

Quel est l’objectif de l’Arabie Saoudite maintenant. La Coupe d’Asie des Nations qui va se jouer au Qatar encore l’été prochain…

Oui, c’est un objectif, bien sûr, je pense qu’on fait partie, sans être trop prétentieux, des meilleures équipes asiatiques. Donc forcément, il faudra avoir de l’ambition dans cette Coupe d’Asie mais il y a des clients très sérieux, notamment notre adversaire en phase de groupe pour la qualification à la Coupe du monde, le Japon. A mon avis, c’est actuellement la meilleure équipe en Asie et elle sera difficile à battre. Comme dans toute compétition, il y a des incertitudes et beaucoup d’attentes. C’est dans un an, c’est à la fois assez loin mais pas très loin, donc travaillons bien cette année pour continuer de faire rêver la population saoudienne.

Hervé, on va profiter de votre présence pour faire aussi un focus sur le foot saoudien vers qui beaucoup de regards se tournent depuis quelques jours, depuis une signature historique, un événement qui va bien au-delà du foot d’ailleurs… Quel a été l’impact de la signature de Cristiano Ronaldo en Arabie Saoudite ?

De par la carrière de Cristiano Ronaldo, de par l’impact médiatique qu’il a surtout, c’est quelque chose qui est indéfinissable. C’est une lumière, c’est « sunlight » sur l’Arabie Saoudite, de toute façon, c’est le but recherché. Ça va permettre à ce pays d’arriver un peu plus rapidement sous les projecteurs. Pour contextualiser très rapidement, MBS est arrivé « au pouvoir » en 2017. Ça fait cinq, six ans, c’est très peu, donc il y a une volonté avec un objectif qui est le slogan ici en Arabie Saoudite: « Saudia 2030 ».

Saudi Vision 2030, le fameux projet…

Voilà, tout sera fait jusqu’à cette date pour que les choses soient vues en grand pour que ce pays redore son image, qui est parfois un peu écornée. Donc c’est un but sportif et commercial.

Pour en revenir à Ronaldo, le Portugais de 37 ans, qui était libre depuis plusieurs semaines, il y a eu beaucoup de rumeurs autour de son possible prochain club. Lui-même, quand il a été présenté à Al-Nassr, il a dit qu’il avait eu des propositions d’Australie, du Brésil, des USA, de clubs européens. Est-ce que vous avez été surpris de le voir signer en Arabie Saoudite ?

Non, pas du tout, aujourd’hui l’Arabie Saoudite fait partie de ces pays, qui sont peu nombreux dans le monde, qui peuvent attirer beaucoup de grandes célébrités internationales. Ça ne se fait pas seulement dans le secteur sportif, ça se fait dans l’industrie de la musique, avec DJ Snake, avec Drake, qui viennent souvent en Arabie Saoudite, et j’en passe. C’est simplement des exemples, au niveau culturel. C’est une ouverture vers une nouvelle destination pour l’Arabie Saoudite et le sport va faire également partie de ces vecteurs qui vont faire que l’Arabie Saoudite va, il est vrai dépenser beaucoup d’argent, mais si elle le fait, c’est certainement qu’elle en a les moyens. Cela va donner un énorme coup de projecteur sur ce pays. La victoire contre l’Argentine en Coupe du monde en avait déjà donné un gros et cette arrivée de Cristiano Ronaldo, c’est quelque chose d’énorme pour le pays.

Justement, Al-Nassr est un club qui est proche du Ministère des Sports, tout comme la fédération bien sûr. Est-ce qu’en tant que sélectionneur national, vous étiez au courant de sa venue, avez-vous même été consulté par le Ministère des Sports?

Non, pas du tout, ils n’ont pas besoin de moi. Aujourd’hui dans le monde, combien de joueurs peuvent avoir un impact aussi fort que Cristiano Ronaldo? Il n’y en a pas beaucoup, il y aura Kylian Mbappé, Lionel Messi et puis peut-être que c’est tout, en terme de promotion, d’image. Donc ils ont tablé haut, ils ont tablé fort mais ils n’ont pas besoin de moi pour contacter Cristiano Ronaldo et le persuader de venir, c’est surtout ça. Ça fait quand même quelques semaines qu’ils essayaient de le faire et ils ont réussi à le convaincre. Pour moi, la principale inconnue n’était pas les moyens qu’ils allaient mettre c’était comment ils allaient le convaincre. Et donc puisqu’il a été convaincu, bienvenue à lui en Arabie Saoudite.

A deux reprises lors de sa présentation à Al-Nassr, Cristiano Ronaldo a tenu à préciser que le club possède une équipe féminine, ce que peu de gens savent finalement. Il a parlé de changer les mentalités, pour les nouvelles générations. Est-ce que vous sentez qu’il y a une envie sincère de la part du pouvoir, de changer, de moderniser les mentalités en Arabie Saoudite?

Je ne suis pas arrivé le mois dernier, je suis arrivé en août 2019, ça fait trois ans et demi donc j’ai vu une évolution. Une évolution perceptible dans beaucoup de choses. Ça a démarré en 2017 (la volonté de changement de la part du gouvernement saoudien) d’une façon beaucoup plus importante. Ce qu’il faut savoir c’est qu’avant 2017, il y avait une police religieuse dans le pays. Alors aujourd’hui elle existe certainement toujours mais elle n’est plus active sur le terrain, comme ça peut se passer, d’après ce qu’on me dit, en Iran actuellement. C’est un pays qui subit un changement énorme, il faut que les gens l’acceptent, que la population l’accepte, mais comme ce pays est composé d’environ 70% de jeunes, je crois, c’est un pays qui, à mon avis, va aller assez vite dans cette transformation culturelle. Il faut encore un tout petit peu de temps et ça va se faire petit à petit. Le sport sera peut-être le principal facteur pour faire avancer les choses. Ils organisent un Grand Prix de Formule 1 depuis un an maintenant, il y a le rallye Dakar justement en ce moment, les Jeux d’Asie d’hiver qui ont été votés. Ce sont tous ces événements sportifs qui vont faire que l’Arabie Saoudite va tenter d’aller encore plus vite dans son renouveau.

Autre réaction liée à l’arrivée de Cristiano Ronaldo en Arabie Saoudite, celle de Rudi Garcia, son nouvel entraîneur, le jour de la présentation officielle de Ronaldo… Rudi Garcia tout étonné de voir la salle de presse comble le jour de la présentation de Ronaldo, qui adresse un message aux nombreux journalistes présents ce jour-là : « Venez aussi après les matchs » dit-il. Hervé, est-ce que c’est difficile de remplir les salles de presse, même les stades, en Arabie Saoudite ?

Non, mais Rudi est quelqu’un de très intelligent. Il a voulu, avec ce petit clin d’œil, alerter les journalistes qui étaient beaucoup plus nombreux. De toute façon, il n’y a pas besoin d’être devin pour savoir que toutes les salles de presse et les stades seront remplies. Les accréditations seront toutes prises. Je connais bien leur stade, Mrsool Park, un stade de 25 000 places, qui aujourd’hui est même trop petit pour accueillir Cristiano Ronaldo. Je ne sais pas s’ils vont trouver une alternative mais sinon il va falloir se battre derrière les grilles parce que j’imagine que la demande va certainement être quatre ou cinq fois plus importante, notamment pour le premier match où il va être aligné, ça va être quelque chose d’exceptionnel pour ce club, Al-Nassr de Riyad. C’est le but recherché de toute façon, que la lumière soit sur eux, que la lumière soit sur l’Arabie Saoudite et Rudi a de la chance, c’est tombé sur lui. Donc bonne chance à Rudi et à Cristiano. Ce qu’il faut savoir c’est qu’actuellement, Al-Nassr est en tête du championnat, sans Cristiano Ronaldo. On peut donc imaginer que l’excellent travail déjà effectué par Rudi Garcia va continuer et pourquoi pas un titre de champion dans cinq mois.

Vous disiez, en souriant, « bonne chance Rudi », il y a eu beaucoup de rumeurs autour du contrat de Cristiano Ronaldo. Il se dit qu’il serait le conseiller du président après sa carrière de joueur, voire même en parallèle. Est-ce qu’il n’a pas un peu la pression Rudi, d’avoir un Cristiano Ronaldo avec un contrat à plusieurs centaines de milliers d’euros, à devoir gérer dans le vestiaire?

Non, je ne pense pas. Quand on est entraîneur, on est ravi de l’arrivée de Cristiano Ronaldo on sait de toute façon que si on a des occasions de but dans la soirée, forcément ils vont en concrétiser une voire quelques-unes grâce à son talent. On n’est pas cinq fois Ballon d’or par hasard. Alors bien sûr, il y a la communication, qui, dans notre monde actuel, fait partie intégrante d’un sportif. Cristiano Ronaldo c’est certainement le summum en termes de communication, de par sa femme également. On ne va rien leur apprendre, ils ont tout compris au niveau du business. Je pense que c’est un projet global pour lui. Je ne peux pas répondre à sa place mais de notre côté, puisqu’on parle football, c’est de le voir réussir ici et il va réussir, c’est sûr. Je pense même, mais ça, ça n’engage que moi, que connaissant l’individu et son exigence, il y a aujourd’hui douze matchs qui ont été joués sur trente, il va vouloir finir meilleur buteur du championnat saoudien.

C’est la question un peu cliché pour en revenir à l’ambiance autour du foot. Est-ce que l’Arabie Saoudite est un vrai pays de football, est-ce qu’il y a une vraie passion, un engouement en Arabie Saoudite?

Vous pouvez avoir un derby Al-Nassr–Al-Hilal à Riyad avec 60 000 spectateurs. J’ai vu des derbies à Djeddah entre Al-Ahli et Al-Ittihad avec 60 000 spectateurs dans le stade, même quand on a joué le Japon ou la Chine, y avait 60 000 spectateurs. C’est un grand pays, ayant la superficie de l’Europe. C’est un grand pays de football, méconnu en Europe et à travers le monde puisque son équipe nationale n’a jamais réussi de très grandes performances mais c’est difficile, ils ont passé une fois le premier tour, pour aller en huitième de finale d’une Coupe du monde. C’est aussi ça l’impact du football et il n’y a aucun joueur qui s’exporte à ce jour. Il faudrait que ça change. Le fait qu’ils veuillent attirer de nombreux étrangers, j’espère que ça va donner la possibilité aux Saoudiens de jouer ailleurs, puisque ça devient un peu plus étriqué pour eux ici. Cette année, il y a sept étrangers par équipe, l’année prochaine il y en aura huit, donc si les joueurs saoudiens veulent jouer plus, ce serait bien qu’ils veuillent s’exporter davantage parce que pour l’instant, il n’y en a aucun qui joue à l’étranger.

C’est un problème quand on est sélectionneur de l’Arabie Saoudite ? Avoir uniquement des joueurs évoluant dans le championnat national, ça réduit un peu le vivier, non?

Oui, c’est un problème mais le plus gros problème n’est pas le nombre d’étrangers puisque de toute façon c’est le football actuel, quand vous regardez la Premier League, il y a des équipes qui jouent sans Anglais. Peut-être que l’Arabie Saoudite se dirige vers cela mais ce n’est pas le plus important. Le facteur le plus important est la formation, s’exporter, même si les Anglais c’est peut-être un mauvais exemple vu qu’ils ne s’exportent pas beaucoup non plus. Surtout, que fait-on pour le football de jeunes, le football de compétition? Le plus gros problème pour l’Arabie Saoudite au niveau de son football local c’est qu’il n’y a pas de championnat de réserves. Il va démarrer dans très peu de temps mais il n’y est pas au moment où on parle. Quand on a 20 ans, qu’on est cloué sur le banc, sans temps de jeu, c’est un gros problème puisqu’on ne peut pas évoluer, on ne peut pas être performant au niveau international.

Al-Hilal a remporté sa quatrième C1 d’Asie, c’est le grand rival d’Al-Nassr en Arabie Saoudite. Sur les cinq dernières finales de C1 d’Asie, il y a eu trois clubs saoudiens. Hervé Renard, c’est quoi le niveau du championnat saoudien?

C’est un très bon niveau et ça ne va que s’améliorer. D’ailleurs ce n’est pas moi qui le dit, c’est la communication du ministre des Sports qui a dit: « Ronaldo est la première grande star à venir en Arabie Saoudite » depuis la nouvelle ère. Des entraîneurs célèbres sont venus ici, comme Rijkaard, et certains Brésiliens. Il y a de très bons joueurs qui ont fait de très bonnes carrières, mais pas de la dimension de Cristiano Ronaldo. Rudi a dit dans une interview que cette arrivée était semblable à celle de Pelé au New York Cosmos pour l’avancée du football aux Etats-Unis. Ce sont des monuments du football, ce sont des légendes. Il y en a d’autres qui vont suivre parce que je pense qu’ils ne vont pas s’arrêter là.

Est-ce que ça va être facile pour Cristiano Ronaldo en Premier League saoudienne? Ce sera quoi le plus dur pour lui en Arabie Saoudite?

Non, ce ne sera pas facile, mais je pense que sa plus grande qualité c’est son envie. On l’a vu frustré sur le banc de Manchester United. C’est un compétiteur, on ne peut pas être aussi performant à l’âge qu’il a sans être un immense compétiteur. Vous savez, aujourd’hui, on parle beaucoup d’argent, on parle beaucoup de plein de choses dans le football mais je ne pense pas qu’un garçon comme Lionel Messi court après l’argent, donc il court après quoi? Il court après un titre de champion du monde comme il a obtenu le mois dernier. Pour ça il faut s’entraîner, il faut faire des efforts, il faut avoir faim. Quand on n’a plus faim dans le football, on ne peut pas être performant. Donc je suis persuadé que Cristiano Ronaldo a toujours faim de buts, de succès. Il aime être aimé, je pense que ça se voit donc il va venir ici avec des objectifs bien à lui mais bien précis et je suis sûr qu’il va apporter premièrement à cette équipe d’Al-Nassr et à la notoriété du championnat. En ce qui me concerne, c’est un autre débat, je suis concerné par les joueurs saoudiens, et j’espère qu’en le voyant travailler au quotidien, en le voyant évoluer, en voyant sa rage de vaincre. Grâce à cela, certains vont prendre conscience que si on n’a pas faim dans le football, on ne peut pas aller très haut.

C’est quelque chose que le sélectionneur de l’Arabie Saoudite ressent, le fait que certains joueurs n’ont peut-être pas envie de se faire mal parfois?

Non c’est qu’il faut être plus professionnel dans son approche. Personnellement, je n’ai pas à me plaindre au niveau de l’équipe nationale mais dans sa généralité. Quand on est un jeune joueur, on apprend son métier, il y a des choses sur lesquelles on ne peut pas transiger. La préparation individuelle et la préparation mentale doivent être meilleure. L’attente est énorme. A partir du moment où l’attente extérieure est énorme, il faut que le footballeur se fixe lui-même des objectifs élevés. Il faut repousser ses limites sans arrêt, sinon on arrive à un certain palier sans pouvoir aller plus loin. C’est ça que j’essaye d’exprimer. Donc aujourd’hui, le joueur saoudien dans sa généralité, il doit être beaucoup plus ambitieux, pourquoi pas aller jouer dans les meilleurs clubs européens et ne pas se contenter d’être une grande star en Arabie Saoudite. Quand on excelle dans son sport, il faut vouloir être sur le toit du monde. Après on y arrive, on n’y arrive pas, c’est un autre débat, mais il faut avoir cette faim, cette envie.

Pour en revenir à Ronaldo, il y avait pas mal de débats au Portugal pour savoir s’il allait maintenir sa place en équipe du Portugal. Il a même terminé remplaçant sur les derniers matchs de la Coupe du monde. Est-ce que ce sera plus difficile pour lui d’être appelé en équipe du Portugal en étant un joueur du championnat saoudien ?

Non, pas du tout. Vu les projecteurs qui vont être rivés sur chaque match de championnat qu’il va jouer, ce ne sera pas difficile pour le sélectionneur d’avoir des informations sur lui. Si Roberto Martinez, le nouveau sélectionneur du Portugal estime qu’il peut lui apporter quelque chose dans le groupe, dans la vie du groupe, sur quelques minutes ou bien plus il n’hésitera pas à faire appel à lui, il n’y a pas de souci.

Alors on le disait il y a quelques instants, il y a un quota de joueurs étrangers autorisé sur les feuilles de match dans le championnat saoudien. De sept, ça va passer à huit. En revanche, sur les bancs, sur les 16 clubs de l’élite, il n’y a que des entraîneurs étrangers. Quel est le rôle du sélectionneur de l’Arabie saoudite là-dedans? Est-ce qu’on demande de former les nouveaux entraîneurs, d’aider les entraîneurs locaux également? Peut-être une réalité qui existait en Afrique aussi?

Oui exactement. Depuis 6 mois, il y a un nouveau directeur technique national, qui est Nasser Larguet. Il va être attaché à faire progresser le football des jeunes, la formation des cadres. Après il y a un entraîneur saoudien qui s’occupe de l’équipe U23 qui a de très bons résultats puisqu’il est champion d’Asie en titre. Moi, j’ai toujours eu un peu de mal avec ça, même en Afrique, puisque vous m’interpellez là-dessus sur un entraîneur local, un entraîneur noir, un entraîneur blanc, je n’ai jamais trop aimé ces débats-là. Tout en comprenant, certaines réticences des locaux qui peuvent penser qu’on leur accorde moins de confiance. Comme on dit, on n’est jamais prophète en son pays, mais je pense que si on a des compétences, quelle que soit la couleur, peu importe d’où l’on vient, quelle que soit sa nationalité, on fera appel à un moment donné à vous donc peut-être moins facilement mais il faut pousser ces portes. Et il faut aller au-delà de ces idées préconçues. La preuve, le Maroc en coupe du monde, qui a fait un parcours exceptionnel avec à sa tête un entraîneur marocain, franco-marocain si on veut, mais plus marocain, Walid Regragui. L’important c’est de se former, d’acquérir de l’expérience. Et puis, pour les joueurs, l’essentiel c’est d’avoir faim, d’aller conquérir le plus de succès possible.

Hervé Renard, c’est notamment deux CAN remportées avec la Zambie en 2012 et la Côte d’Ivoire en 2015. Il y a eu l’Europe, il y a eu l’Asie, il y a eu l’Afrique, il a envie de quoi Hervé Renard maintenant ? Est-ce qu’il aimerait découvrir autre chose, un autre continent ?

Oui, pourquoi pas. Découvrir tout ce qui se fait au plus haut niveau ou s’en rapprocher le plus possible. Les places sont limitées. Quand je regarde en arrière, en 1999 quand j’ai démarré ma carrière au Sporting Club Draguignan en National 3. Le parcours effectué sans avoir réalisé une belle carrière de joueur professionnel, j’en suis fier. Mais vous voyez, je le disais même dans cette publicité, The battle, c’était une marque de lessive. Avec mon « french accent ». Il faut avoir faim, mais moi j’aurais toujours faim. Même si j’ai un compte en banque aujourd’hui et on ne va pas se le cacher, qui s’est un peu plus rempli. Ce n’est pas ce qui me fait avancer. J’ai eu la chance de participer à deux Coupes du monde. Au niveau des sélections nationales, c’est quelque chose d’exceptionnel. Au niveau des clubs, quand on est entraîneur d’un club, c’est de jouer la Champions League. C’est cette petite musique qui résonne, je pense, dans la tête de chaque entraîneur de club, parce que c’est le summum. Il faut toujours essayer de se rapprocher de l’excellence, même si on ne peut pas toujours, il faut avoir au moins cette ambition. Et puis il faut continuer de rêver. Les rêves, ça permet d’avancer et de ne pas d’être blasé. Il faut mesurer la chance qu’on a de faire ce métier, d’être dans le football. De faire vibrer des millions de gens. Comme 35 millions de Saoudiens qui ont vibrés le jour d’Argentine–Arabie Saoudite. Le sport, mais surtout le football fait qu’on est capable de faire des choses qui ne s’achètent pas. Même les hommes les plus riches du monde voudraient acheter ces émotions mais malheureusement, elles ne sont pas en vente dans le commerce, il faut aller les chercher, il faut les construire.

Bora Milutinovic et Carlos Alberto Parreira ont participé à la Coupe du monde avec cinq pays différents. Hervé Renard, il en est à deux, avec le Maroc en 2018 et l’Arabie Saoudite en 2022. Est-ce que c’est un record que vous aimeriez égaler ?

Oui et je vais vous dire honnêtement pourquoi. Parce que quand je me déplace au Qatar, et je me suis déplacé au Qatar pour la Coupe arabe, pour des réunions de l’AFC, de la FIFA même avant cette Coupe du monde et je rencontre toujours Bora qui parle français. Il vient toujours me voir, et un jour je lui ai posé la question, c’était il y a un an à peu près, pendant la Coupe Arabe. Je lui ai dit, coach, vous avez fait combien de Coupe du monde ? Il m’a dit cinq. Moi, j’en avais qu’une au compteur, à ce moment-là. Donc dans un petit coin de ma tête, vous avez dévoilé un petit rêve qu’il faut aller chercher. Est-ce que ce sera possible ? En terme d’âge, c’est possible. Maintenant, il va falloir être très régulier, pour pouvoir égaler ce record.

Il va falloir changer très souvent de sélection du coup, parce que là il y a un contrat jusqu’en 2027 avec l’Arabie saoudite…

Oui mais les contrats… Dans le football, ça veut dire quoi un contrat aujourd’hui? Si on ne veut plus de vous, on se sépare de vous, c’est comme ça. Et puis le football c’est un business, comme dans les entreprises. Vous avez un grand directeur de société qui est nommé. Quand on ne veut plus de lui ou quand il ne veut plus rester, il y a toujours des négociations possibles. Ça ne veut plus dire grand-chose aujourd’hui les contrats.

Plusieurs sélections se sont retrouvés sans sélectionneur après la Coupe du monde au Qatar, il y en a une qui donne envie? Il y a un continent qui donne envie à Hervé Renard aujourd’hui?

Je vais vous faire une réponse un peu bateau. Je suis sous contrat…

Après tout ce qu’il vient de me dire! OK, alors moi je fais les questions, on va faire comme ça. Il y a l’Amérique du Sud par exemple, avec la CONMEBOL. Il y a le Brésil notamment, qui est libre en ce moment ou il y a le Mexique, par exemple en CONCACAF.

Oui c’est vrai. Bon, le Brésil, je pense qu’il faut oublier, ne liez pas mon nom au Brésil. Je ne pense pas qu’ils aient une fois pensé à moi parce qu’ils ont d’autres grands noms dans leur ligne de mire.

Enfin, il y en a plein qui disent non, Hervé, en ce moment…

Oui, bon, je ne pense pas que tout le monde dira non au Brésil mais ça c’est un autre sujet. Non mais l’important c’est de s’approcher du top niveau, quel que soit le continent où vous soyez. Et quand on joue, l’Argentine lors d’une Coupe du monde, le Mexique et la Pologne, qui sont quand même trois très bonnes équipes. Bien sûr que ça donne des envies. On ne va pas se le cacher, on ne va pas faire la langue de bois mais chaque chose dans son temps. Il faut laisser faire les choses et puis quand ça doit se passer, ça se passe, mais ça ne sert à rien de forcer le destin. Il vient à vous si vous le méritez.

Il y a la Belgique aussi. La Belgique qui a lancé un appel d’offres. On peut envoyer son CV sur leur compte LinkedIn. Ils avaient recruté Roberto Martinez comme ça, en 2016 notamment.

D’accord, OK.

Je donne l’info au cas où…

Le grand favori, c’est Thierry Henry en Belgique.

Oui, mais il faut qu’il envoie son CV sur LinkedIn alors Thierry Henry, comme tout le monde.

Il n’a peut-être pas besoin, il fait déjà partie de la maison.

Je dis ça en rigolant mais c’est vrai, les procédures sont très strictes. Ils veulent vraiment qu’on respecte le processus, il faut envoyer sa candidature, faire les entretiens. Rudi (Garcia) était passé par là pour le poste en 2016.

C’est un protocole.

Exactement, ils ont mis en place un fonctionnement très moderne en termes de management. Juste une dernière question Hervé, puisqu’on parle de sélection, mais est-ce que le travail en club vous manque finalement, où est-ce que la sélection c’est mieux pour bosser ?

Il n’y a pas de mieux ou de moins bien, je répèterai toujours la même chose. Ça peut paraître un peu une rengaine, mais quand on est entraîneur de club, le top niveau c’est la Champions League. Quand on est sélectionneur, c’est la Coupe du monde. Donc côtoyer la Champions League je ne pense pas qu’on puisse dire non. Maintenant, est-ce qu’on peut avoir des offres qui correspondent à ça ? Ça ce n’est pas à moi de répondre. Aujourd’hui j’ai 54 ans, j’ai un peu fini de rêver les yeux grands ouverts, je prends les choses comme elles viennent et mais sans avoir peur de rien. Tout est possible.

Par Yannis Passerel, propos recueillis par Nicolas Vilas



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