Nantes reçoit Lyon ce mercredi soir (21h10) pour la première demi-finale de la Coupe de France 2023. Le match, opposant deux équipes de Ligue 1, pourrait se terminer par une séance de tirs au but. Loterie comme l’avancent certains ou savant travail de préparation?

Depuis plusieurs semaines, les mêmes excuses après une élimination consécutive à une séance de tirs au but se font entendre. « Les tirs au but, c’est une loterie, donc je ne veux même pas en parler », s’agaçait Bruno Genesio le soir de l’élimination face au Shakhtar Donetsk.

Un refrain que l’on a entendu dans la bouche de Mikel Arteta, après la désillusion contre le Sporting Portugal en Ligue Europa: « Les tirs au but sont une loterie. […] On ne peut pas compter sur les tirs au but pour gagner une compétition. » Même son de cloche à Marseille, de la part de Valentin Rongier, au soir de l’humiliante défaite contre Annecy: « Les penalties, on ne va pas épiloguer là-dessus, c’est la loterie. » On pourrait répéter les exemples et évoquer le cas Didier Deschamps, persuadé en son for intérieur qu’il s’agit bel et bien d’une loterie: « Le hasard a ses raisons que la raison ignore. »

Cet avis ne fait plus consensus. Il est même de moins en moins partagé. Surtout à l’heure où la statistique a pris une place capitale dans le foot, où chaque action est analysée, décortiquée, disséquée sur plusieurs angles. Il n’est pas rare de voir lors des séances de tirs aux buts des petits papiers circuler entre l’entraîneur et son gardien. De voir apparaître des bouteilles d’eau avec des annotations, comme ce fut le cas pour le gardien du Shakhtar contre Rennes.

31 minutes de vidéo de préparation

Christophe Lollichon, ancien entraîneur de Petr Cech à Chelsea, avait donné un avis tranché lors de son passage dans l’After en janvier dernier: « Je ne peux pas tolérer que l’on dise que les penalties c’est une loterie. Certes, il faut avoir de la réussite mais les penalties ça se travaille, les penalties ça se prépare. On analyse les penalties de l’adversaire et on peut même analyser les routines du gardien adverse. Un entraîneur des gardiens doit récolter des informations. Après, c’est au gardien d’accepter ce travail. Mais, selon moi, quelqu’un qui ne travaillerait pas les penalties, c’est une faute professionnelle. »

Et l’ancien entraîneur des gardiens avait donné ce soir-là un exemple marquant. En 2012, Chelsea avait remporté la finale de la ligue des champions contre Munich lors de la séance des tirs aux buts. « Ce soir-là, Petr Cech avait eu six penalties contre lui. Il était parti six fois du bon côté et en avait arrêté trois. J’avais analysé tous les penalties du Bayern de 2007 à 2012, j’avais 31 minutes de vidéo. J’ai passé des nuits, j’avais quinze points d’analyse. Et Cech avait travaillé sur la vidéo, sur l’analyse gestuelle, la routine. » Et ce soir-là, ce travail avait payé.

Mais Lollichon le reconnaît, ce travail avait été rendu possible par la capacité de Cech à retenir les informations. Il ne pensait pas que le portier tchèque puisse retenir les quinze points. Car chaque gardien fonctionne différemment. A Montpellier par exemple, Jonathan Llorente, l’analyste vidéo, a connu des gardiens très différents dans leur approche. Benjamin Lecomte, arrivé en janvier, travaille avec l’entraîneur des gardiens et ne souhaite pas recevoir trop d’informations. Ce qui ne l’a pas empêché de sortir trois penalties, dont les deux de Mbappé lorsque le PSG était venu à la Mosson.

Avant Lecomte, il y a eu Geronimo Rulli, qui demandait une grande quantité d’informations à Jonathan Llorente sur les trois tireurs potentiels. L’analyste vidéo utilise pour cela le logiciel Wyscout. Droitier ou gaucher, distance de la course d’élan, angle de la course d’élan, vitesse de la préparation, côté préféré, cours du jeu, penalties importants convertis dans le passé, penalties importants ratés dans le passé, historique avec le gardien adverse: tout est passé au crible. Rulli voulait notamment savoir à quel moment du match le penalty avait été tiré, mais également le scénario du match, car il prenait en compte le contexte. Cette saison-là, Rulli avait sorti neuf penalties durant la saison.

Au-delà du travail, il y a aussi les données du match à analyser. Bruno Genesio était d’ailleurs revenu sur ses déclarations quelques jours plus tard: « Mentalement, il faut se préparer peut-être, mais ce n’est pas si évident. Ça veut dire qu’à l’entraînement, il faut faire un match de deux heures, avec les mêmes efforts qu’un match de Coupe d’Europe, du public, de l’enjeu… Sinon moi je vais tirer des penalties à l’entraînement, je vais les mettre, même à mon âge. Enfin peut-être pas tous, mais je vais en mettre beaucoup. Et le jour du match, ce n’est plus pareil. »

Un avis partagé par Grégory Coupet, ancien entraîneur de l’OL et actuel entraîneur des féminines de Gradignan. « Le travail que tu fais, c’est avec l’entraîneur des gardiens: tu analyses la force de frappe, côté ouvert ou fermé, la vitesse d’élan, l’angle, les gestes préférentiels. Des composantes à prendre en compte, raconte-t-il. Mais après, il y a le feeling, le timing du match, tu ne tires pas un penalty de la même manière à la 30e et à la 90e.  Une dimension psychologique, un côté intox à savoir jouer. »

Deux nuls entre Nantes et l’OL en Ligue 1

Ce soir, Nantais et Lyonnais ont décidé de mettre toutes les chances de leur côté en cas de tirs aux buts. Surtout que lors des deux matchs de championnat, les deux équipes n’ont pas réussi à se départager (0-0 puis 1-1). Pour le FC Nantes, Rémy Descamps sera titulaire dans les cages des canaries ce soir. L’année dernière il avait effectué quatre arrêts. Cette année, il a aussi été décisif en 16es contre Thaon et en huitièmes contre Angers.

Pour l’Olympique Lyonnais, Anthony Lopes a préparé cette exercice. Il avait sorti celui de Bayo en huitième de finale contre Lille. Et il a reconnu, en conférence de presse mardi, qu’il avait travaillé cet exercice: « Un travail de fond est fait par nos analystes vidéo. Et Rémy Vercoutre (entraîneur des gardiens) me met dans les meilleures conditions possibles, on l’a vu contre le LOSC, il me donnait des informations sur les tireurs. Donc c’est clair que ça se travaille, ce n’est pas juste arriver et tirer, ça ne fonctionne pas comme ça, encore moins pour les gardiens. On va les préparer. Même s’il y a toujours de la place pour l’instinct. » Loterie ou science, le débat n’est toujours pas tranché. La vérité se trouve sûrement au milieu.



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Pied droit en or, pas de grigri, pas de chichi, un crochet une frappe et nous fermons le jeu, catenaccio :)