Opposé aux Bleus ce samedi (17h) avec le Danemark en phase de poules de la Coupe du monde au Qatar, Pierre-Emile Höjbjerg aurait pu se retrouver dans l’autre camp. Le milieu de Tottenham possède la nationalité française par sa mère et se considère « à moitié français ». Il avait même été approché par Willy Sagnol, entraîneur des Espoirs, il y a quelques années. Mais son choix s’est porté sur le pays où il a grandi.

Son prénom trahit la moitié de ses origines. Pierre-Emile ne fait pas très danois. Mais sonne très français. Un héritage maternel. Prévu titulaire au milieu de terrain, comme pour lors du premier match de sa sélection face à la Tunisie (0-0), le Danois Pierre-Emile Höjbjerg va croiser ce samedi un pays qui lui tient à cœur, la France, pour la deuxième rencontre de phase de groupes du Mondial des deux équipes. Particularité? Né à Copenhague, où il a grandi, le garçon possède la nationalité française via sa mère. Il a lui-même revendiqué sa part tricolore. « Je suis fier de mon sang français et je me qualifie toujours de moitié français », expliquait-il au quotidien danois B.T. il y a quelques années.

« Il a un état d’esprit très français et parle parfaitement la langue », complétait son conseiller Sören Lerby, ancien international danois passé par Monaco au milieu des années 80, en 2015 pour France Football. Formé au Danemark, avec des passages par le BK Skjold et le FC Copenhague avant de rejoindre le Brondby IF à 14 ans, ce talent brut vite courtisé par des grands clubs et arrivé au Bayern Munich à l’été 2012, à quelques jours de son dix-septième anniversaire, avait même tapé dans l’œil de Willy Sagnol, alors sélectionneur des Espoirs français. Mis au courant de sa double nationalité par un ancien partenaire de jeu du Bayern en 2013, l’ancien international tricolore l’observera à plusieurs reprises et ira jusqu’à se déplacer sur place pour tenter de la convaincre.

Mais le cœur de cet admirateur de Zinédine Zidane, qui lui a arraché des larmes un soir de finale de Coupe du monde en juillet 2006, avait ses raisons. « J’ai représenté le Danemark en club et en sélections de jeunes, rappelait-il à B.T. avant sa première cape en 2014. Ce sont les entraîneurs danois qui se sont battus pour me faire accéder au top. Ce serait leur manquer de respect de changer d’équipe nationale. » « Bien sûr qu’il a pensé à l’équipe de France, expliquait Lerby en 2015. Mais il joue avec le Danemark depuis les U16 donc il était logique qu’il continue. » « Je préfère un joueur dont l’avis est net qu’un autre qui passe par les sélections françaises et qui s’en va autre part le jour où ça ne l’intéresse plus », jugeait alors Sagnol.

Choix logique, donc. Mais dommage. Car le garçon a du talent et du ballon. Elu meilleur joueur U17 danois dans son adolescence, le prodige très tôt mature sur le terrain devient en avril 2013 le plus jeune joueur de l’histoire à disputer un match officiel avec le Bayern – battant le record de David Alaba de quatre jours – à 17 ans et 251 jours. Dans le club bavarois, où on le compare vite à Bastian Schweinsteiger ou Toni Kroos, son avenir doré fait peu de doute. Pep Guardiola, sur le banc depuis l’été 2013, évoque même la possibilité qu’il devienne « le Busquets du Bayern ». Un Guardiola qui va l’aider à gérer un cauchemar. Peu après l’arrivée du technicien catalan, Höjbjerg apprend que son père Christian souffre d’un cancer de l’estomac.

Le jour où il craque à l’entraînement, l’ancien coach barcelonais vient lui parler. « On a discuté, il s’est mis à pleurer aussi et je ne savais pas quoi dire », racontera le joueur à la télévision danoise. Uli Hoeness, alors président du Bayern, apporte aussi son aide: il fait financer la venue du papa en Allemagne pour bénéficier du meilleur traitement possible, via chimiothérapie, alors que les médecins danois ne voulaient plus prendre en charge ce cas jugé désespéré. Avec tout ça, le Bayern lui montre un attachement fort. « Jeune talent danois de l’année » en 2013, il vit un printemps 2014 en forme de montagnes russes émotionnelles: première titularisation avec le club bavarois début avril, décès de son père cinq jours après des suites de sa longue maladie, première sélection en équipe danoise A (et dans le onze de départ) fin mai.

Mais sa trajectoire vers l’avant va connaître un coup de frein. Les médias danois racontent des tensions avec Guardiola. Höjbjerg peine à s’imposer à Munich, envoyé deux fois en prêt (FC Augsbourg puis Schalke 04), et finit par rejoindre Southampton, où il passe quatre saisons et engrange de l’expérience. A l’été 2020, il prend la direction de Tottenham, où il s’éclate sous les ordres de José Mourinho – troisième plus gros nombre de tacles de Premier League sur sa première saison – et où il reste aujourd’hui titulaire en championnat comme en Ligue des champions.

Pierre-Emile Höjbjerg (à droite) et Lucas Hernandez lors du match France-Danemark en Ligue des nations en juin 2022
Pierre-Emile Höjbjerg (à droite) et Lucas Hernandez lors du match France-Danemark en Ligue des nations en juin 2022 © AFP

Un club où son destin a encore été mêlé à la France: il marque son premier but européen en carrière face au Stade Rennais en septembre 2021, en Conference League, avant de signer sa première passe décisive (à l’aller) et son premier but (au retour) en Ligue des champions face à Marseille cette saison. Et pas n’importe quel but: celui de l’élimination de l’OM de toute Coupe d’Europe au bout du temps additionnel… Depuis tout ce temps, il a aussi pu croiser l’autre pays de sa vie en sélection. Absent du match amical entre les Bleus et les Danois en mars 2015 (la France était qualifiée d’office pour l’Euro à la maison mais avait été placée dans un des groupes de qualifications par l’UEFA pour des rencontres ne comptant pas dans le classement), il entre à la pause au retour, en octobre de la même année, pour une défaite (1-2).

Absent du championnat d’Europe 2016, le Danemark n’étant pas qualifié, et plus appelé de fin 2016 à mai 2018, il ne dispute pas non plus la Coupe du monde en Russie, non retenu dans l’effectif après avoir fait partie d’un groupe élargi, et manque le choc du premier tour contre les futurs champions tricolores. Après un Euro 2021 conclu en demi-finale avec le rang de deuxième meilleur passeur décisif de la compétition et une place dans le onze-type de la compétition, mais marqué par le drame Christian Eriksen qui s’écroule inanimé contre la Finlande, match où un Höjbjerg très perturbé rate le penalty de l’égalisation en fin de match, il prend enfin le meilleur sur sa seconde nation lors de la Ligue des nations en 2022 avec deux victoires danoises sur la France, titulaire à chaque fois, et une passe décisive pour lui au premier match.

Mais cette fois, les retrouvailles vont se faire sur la plus belle scène possible: le Mondial. Récupérateur au gros moteur, agressif dans les duels, très bon relanceur, celui qui compte 61 sélections et cinq buts en équipe nationale sera un poison à surveiller comme le lait sur le feu pour les Bleus. S’il fait trembler les filets, le plus français des joueurs danois célébrera la chose avec ses coéquipiers. Mais nul doute que son esprit aura une pensée pour son autre pays hérité de maman.



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Pied droit en or, pas de grigri, pas de chichi, un crochet une frappe et nous fermons le jeu, catenaccio :)