Sur BFMTV, Sonia Souid, agente de joueurs et joueuses, accuse Noël Le Graët de comportements déplacés à son égard, notamment lors d’un dîner et en envoyant plusieurs messages insistants. Retrouvez ses passages les plus marquants de ce long témoignage.
La première rencontre en 2013 dans un restaurant parisien
« A l’été 2013, je suis jeune agent sportive de la FFF puisque j’ai ma licence depuis 2010 et je viens de faire le premier transfert payant d’une joueuse française avec Marie-Laure Delie de Montpellier au PSG. Je suis un des premiers agents du football féminin et je voulais rencontrer le président de la FFF. Je lui ai envoyé un mail en lui présentant quelques idées en lui demandant un rendez-vous. C’était assez surprenant parce que deux à trois heures après la réception du mail, j’ai reçu un appel de Noël Le Graët en personne. Je suis impressionnée et ravie d’échanger avec lui. Il me dit qu’il est en vacances en Martinique et qu’il me rappellerait à la rentrée. Chose promise, il me rappelle à la rentrée et me propose de petit-déjeuner avec lui au restaurant Le Murat en septembre 2013. »
« (Lors du petit-déjeuner) Je suis intimidée mais j’ai du caractère, j’ai des idées. Pour moi, Noël Le Graët est la clé pour concrétiser mes idées. Le rendez-vous se passe, il me laisse m’exprimer, m’écoute sans plus. Ça dure à peine une heure et me dit qu’il me contacterait ultérieurement. Tout se passe normalement. Bien sûr, il y a des regards et je sens bien qu’il « aime les femmes ». Il reste courtois et ne dépasse pas la ligne rouge. En 2014, je le contacte de nouveau parce que j’ai cette idée de permettre à une femme de devenir entraîneur d’une équipe masculine professionnelle. Je suis assez déçue parce qu’il est assez négatif et me dit que je perds la tête et que c’est ridicule. Je ne l’écoute pas et j’ai eu raison puisque Claude Michy, président de Clermont, est le premier à engager une femme à la tête de son équipe (Helena Costa, ndlr). C’est (Le Graët) le premier à me féliciter et à m’appeler quand Helena Costa démissionne. Je lui demande même le numéro de Corinne Diacre et il me l’envoie. J’insiste pour le revoir parce que je me sens plus légitime. A partir de là, il me propose régulièrement de dîner, ça devient lourd. (…) J’esquivais jusqu’au jour où il a trouvé l’astuce en me disant que la personne en charge du football féminin de la FFF est Brigitte Henriques et que ce serait important d’organiser un rendez-vous chez lui dans son appartement parisien. Il a prétexté la confidentialité et la discrétion. »
L’invitation à dîner chez lui en 2014 pour une réunion de travail
« Je me rends à son appartement. Quand j’arrive il y a du champagne, je suis assez surprise mais je reste stoïque et j’attends. On parle de football féminin sauf que Brigitte Henriques ne vient pas et ne viendra jamais. Je ne sais même pas s’il la prévenue de ce rendez-vous, je ne pense pas. Lors de ce rendez-vous, il me dit assez clairement que si nous étions plus proches, mes idées se concrétiseraient. En tout cas, il serait beaucoup plus motivé pour m’aider en ce sens. Deux flûtes sont déjà servies. Je précise que je mesure 1,81m, j’ai fait de la boxe thaï, je ne suis pas impressionnée physiquement par Noël Le Graët. Je ne touche pas à la flûte de champagne, parce qu’on ne sait jamais, on vit quand même dans un monde particulier. Les deux flûtes sont déjà servies dans un verre. J’évolue dans un monde assez macho et compliqué, je suis naturellement méfiante. Je continue de parler de mes idées, de la Coupe du monde 2019. Au bout de 45 minutes, une heure, Brigitte Henrique n’arrive pas. Et c’est à où il me fait comprendre que les idées pourraient se concrétiser… Là, je me prends une claque énorme parce que j’ai mon président de la Fédération française de football qui me voit… Alors que je me sens compétente, légitime – j’ai réussi à faire des choses dans la difficulté mais je les ai faites – excusez-moi d’être vulgaire mais mon président me voit comme deux seins et un cul alors que mes idées étaient bonnes. Et ça fait mal parce qu’on se sent humiliée. (en larmes) Ça fait toujours très mal, ça m’a vraiment blessé au plus profond de mon être. J’ai été déçue par mon président. Pour moi, mon président doit être exemplaire et il ne l’a pas été. »
Sur les coupes de champagne
« Le monde du football est petit et je savais de réputation que Noël Le Graët aimait beaucoup le champagne et que ça lui arrivait de servir du champagne lors de réunions. Je n’ai pas été étonnée par rapport à ça, c’est plus le rendez-vous chez lui, le fait que Brigitte Henriques n’arrive jamais et surtout lui qui me dit très clairement les choses. A aucun moment, il n’a essayé de me toucher physiquement mais il m’a touchée au plus profond de moi-même. »
L’absence de Henriques au dîner perçue comme un piège
« Je suis agacée et je suis une personne assez franche. Poliment, je lui dis que puisque Brigitte Henriques n’allait pas venir, j’allais retrouver mon petit ami. Il m’a laissée partir, à aucun moment il n’a essayé de me retenir de force. Mais ça reste un très mauvais souvenir. Que me dit-il quand je pars? Il ne me dit rien, il me dit: ‘Une prochaine fois avec plaisir’. Il n’est pas du tout déstabilisé. D’ailleurs, ça ne l’empêche pas après de m’appeler pour me proposer des dîners. Entre mon mail envoyé à l’été 2013 et un message vocal en juillet 2017, pendant quatre ans, je dois gérer une situation hyper déstabilisante et délicate. »
Des invitations régulières entre 2013 et 2017
« J’ai dû gérer le fait d’avoir son président de la Fédération française de football qui, très clairement, souhaite vous mettre dans son lit. Ça devient lourd, il y avait un impact psychologique, il vous fait plus de mal que de bien, c’est très déstabilisant et impactant. Ça me démotivait, j’ai même pensé à arrêter cette profession. Quand vous débutez dans une profession, vous êtes enthousiaste, je suis conquérante, battante. Et que votre président – il n’y a pas plus haut dans le football – vous fait comprendre que la seule chose qui peut l’intéressé c’est votre chair, c’est très difficile. »
Le Graët accusé de profiter de sa position
« Très clairement oui. S’il n’avait pas été le président de la FFF, je n’aurais jamais accepté d’aller chez lui. Il m’a dit de venir pour me présenter Brigitte Henriques pour développer mes idées par rapport au football féminin et elle est en charge du développement du football féminin au sein de la FFF. C’est le président de la FFF qui me dit ça, bien sûr qu’il y a de la confiance. Je suis agente sportive licenciée auprès de la FFF, donc on parle du boss. Il y a une sorte d’abus de pouvoir parce qu’il a du pouvoir sur moi. Psychologiquement oui, après, il n’a pas essayé de me toucher physiquement. Il profite sa position pour m’inviter à dîner, me voir chez lui et se permettre me laisser ce genre de messages. »
Les provocations de la Graët comme déclencheur de son témoignage
« Ça fait des semaines que j’ai un cheminement dans ma tête. En septembre, il y a eu l’enquête de So foot et je réalise qu’il y a eu d’autres femmes qui ont été victimes. Je me demande comment va réagir Noël Le Graët en prenant connaissance de cette enquête. Sa manière de provoquer en demandant à quiconque de trouver un message sur lui… Je me suis demandée combien de temps cette personne allait rester dans l’impunité. Il y a dix ans, je n’avais pas les épaules et je me demande si le monde m’aurait écoutée il y a dix ans. (…) Bien sûr qu’il y aura des représailles mais aujourd’hui, je me sens beaucoup plus forte et j’ai les épaules pour encaisser. «
Quelqu’un qui laisse « très peu de messages »
« Après le diner, j’esquive où je réponds peu à ces appels mais c’est une personne qui laisse très peu de messages, c’est vrai. Sur les quatre années où il m’a proposé de dîners avec lui je ne sais pas combien de fois, il m’a laissé très peu de messages vocaux. C’est très rare chez lui, c’est beaucoup par téléphone. A chaque fois, je trouve une excuse, j’essaie de gérer la situation comme je peux jusqu’au point de non-retour où je me dis qu’il s’en fiche du football féminin. Je me dis que ça ne sert à rien d’échanger avec lui. Je ne l’ai plus revu physiquement (depuis la soirée chez lui). C’est quelqu’un d’assez fin. Quand il vous propose de dîner, il ne dit pas: ‘Sonia, j’ai envie de vous voir, vous me manquez’. C’est plutôt: ‘ça me ferait plaisir de dîner avec vous, j’ai du temps la semaine prochaine’. Il reste très poli et courtois dans les échanges. A aucun moment il ne m’a mise dans une position où je lui aurais dit: ‘non, ça ne m’intéresse pas du tout, allez-vous faire voir’. «
Un message: « Je suis à ma troisième bouteille, je vous attends pour la quatrième »
« Après le dîner, il y a eu des messages comme ’je vous invite à diner, j’insiste’ ou alors ce fameux message vocal. Le 10 juillet 2017, il m’appelle vers 16h et me demande de le rappeler, ce que je ne fais pas. Vers 21h40, il me laisse un nouveau message qui est: ‘Sonia, je suis à ma troisième bouteille, je vous attends pour la quatrième’. Ce n’est clairement pas pour parler travail. Je le prends extrêmement mal et je l’ai fait écouter à mon entourage. Je me dis que je vais arrêter, que je souffre trop. Puis j’ai été reboosté par ma famille, ma passion que j’ai pour le sport et le football. (…) Il faut qu’on parle, c’est la seule manière d’éradiquer ce fléau. »
« On a l’impression qu’il est le roi et la FFF son royaume »
« J’ai compris sa personnalité, il est beaucoup dans la séduction. C’est une personne très sûre d’elle. Il se croit tout permis. Quand on l’entend parler, on a l’impression qu’il est le roi et la FFF son royaume. Mais on est où là? On est en France? Il y a des choses que je ne comprends pas. (…) Est-ce qu’il peut rester à la tête de la FFF? Oui. Est-ce qu’il doit? Non. Je pense qu’il a fait son temps. Je souhaite de tout mon coeur un président exemplaire pour notre Fédération. je ne crois pas qu’il soit assez courageux pour démissionner. S’il démissionait, il donnerait raison aux accusations. »
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