Reportage à Aix-Les-Bains avec les formateurs du nouveau sélectionneur de l’équipe de France féminine, avant son premier match à la tête des Bleues.
Retourner là où tout a commencé pour Hervé Renard, revient à feuilleter des albums photos un peu jaunis et patinés par le temps qui passe. Et si les mémoires des acteurs de ses débuts savoyards, manquent un poil de précision, il y a les clichés qui les aident à esquisser le portrait d’un jeune homme au fort beau gabarit, meneur et gagneur dans l’âme. Reportage à Aix les Bains où il pratiqua le foot de 1977 à 1983.
Les premiers pas savoyards d’Hervé Renard
La poussière a bien recouvert les souvenirs: « Imagine, c’était il y a 40 ans », rigole Daniel Guillot. Heureusement, l’ex-entraîneur d’Hervé Renard lors de la saison 1981-1982 désormais à la retraite a tout compilé dans des petits cahiers, impeccablement rangés dans un placard. Encore, faut-il le trouver. Jocelyne son épouse va l’aider à mettre la main sur un carton bien rempli de coupures de journaux: « Quand je ressors les photos et les résumés des matches, c’est fantastique, c’est un immense plaisir… » L’émotion ne tarde pas à poindre quand il ouvre ses cahiers où il notait, tous les faits et gestes des matches, de la composition aux buteurs!
Même instant « nostalgique » pour Jean-Yves Rougemont, en premier éducateur au club qui s’appelle à l’époque, « l’Entente ASA-USAC », devenu Aix Football Club (AFC) au siècle suivant: « Tiens cette photo, 1977, il a 9 ans, c’est un copain, Jean-Marc qui jouait déjà et qui lui dit, arrête le judo et viens avec moi… » Les clichés du siècle dernier défilent avec cette donnée intangible: « Non, mais regarde, il est presqu’aussi grand que l’éducateur de l’époque…, pointe-t-il du doigt. Quelle morphologie, il avait déjà. Pour un éducateur, c’était précieux pour gagner les matches! »
Tu parles… « Les autres avaient peur, sourit Rougemont. Et par sa taille, il en imposait et disait à ses copains comment se placer, il les faisait remonter. Il disait beaucoup de choses sur le terrain. » Et le lundi matin, quand l’éducateur revenait au travail, sur son poste de chaudronnerie, il faisait le compte-rendu au papa: « On travaillait dans le même atelier, il me demandait comment cela s’était passé le samedi. Et je lui racontais qu’il emmenait les autres, qu’il tenait l’équipe. C’était déjà un meneur d’hommes. »
Cette taille, largement au-dessus de la moyenne l’accompagnera toutes au longs de ces années (de croissance) aixoises: « Il avait une grosse différence avec les autres: il les dépassait tous de deux têtes minimum, exagère (à peine) Bernard Chevalier, qui l’aura dans la catégorie « minimes » (U 13 et 14 aujourd’hui). C’était quelque chose d’intéressant pour l’entraîneur, car sur un dernier ballon, un corner en fin de match, il pouvait toujours aller mettre la tête pour marquer le but qui fera la différence. Sans oublier les coups francs qu’il tirait subtilement. »
Poussins puis pupilles (on dirait U10 et U 11 aujourd’hui), le « petit » Hervé Renard empile les victoires avec ses potes, sur les terrains de Savoie puis sera bien vite le leader de l’équipe départementale puis Rhône-Alpes, où là aussi, il domine par la taille et le talent. En minimes, Franco Ferrucci signe dans le club et devient son coéquipier: « Je n’ai que de bons souvenirs, avec lui. C’était quelqu’un de très facile à vivre. Un super copain, très gentil à l’humour facile, qui mettait beaucoup d’ambiance dans le vestiaire. »
Avec l’âge, ses qualités physiques se développent. Et Franco Ferrucci de se souvenir des tests dit « Cooper » où il fallait faire le plus de kilomètres en douze minutes pour mesurer la condition. Lui (et tous les autres …) derrière et Hervé, largement devant: « Déjà à notre âge, en minimes et cadets, il battait tous les records d’endurance, explique-t-il. Il nous ruinait le moral. On le laissait vite partir devant. De toutes les façons, on ne pouvait pas suivre. C’était désespéré. Et il avait beaucoup de prestance sur le terrain. »
Et soudain, Bernard Chevalier, son entraîneur en minime rembobine quelques instantanés de matches et surtout de séances d’entraînement. Une ligne directrice lui revient: « J’ai rarement vu quelqu’un d’aussi sérieux avec une telle envie d’être professionnel, précise-t-il. Il a toujours eu cela dans la peau. » A tel point que quand l’AS Cannes le contacte pour qu’il amène, à une détection, un jeune de son groupe, plutôt habille attaquant, Bernard Chevalier insiste auprès des dirigeants azuréens pour être accompagné du « Grand », comme il l’appelle: « Ce n’est pas grâce à lui qu’on gagnait tout car il y avait un bon groupe à l’époque; mais on va dire qu’il faisait… 60% de la prestation ! Avec lui, on n’avait jamais perdu. » Et Hervé Renard gagnera sur ce test un bon d’entrée dans l’Académie cannoise, qu’il rejoindra l’été de ses 15 ans en 1983.
Ah, la gagne et Hervé Renard: l’autre flèche à l’arc de l’apprenti footballeur sur les terrains de « l’hippodrome » où des terrains de foot étaient à l’époque tracés entre le parcours, empruntés l’été par les courses hippiques: « Quel super tempérament, avoue Daniel Guillot. La défaite lui faisait horreur dès petit. Il n’acceptait pas qu’on prenne un but. Il pestait quand même contre un coéquipier qui ne faisait pas bien une passe, mais derrière, il encourageait toujours. En fait, il n’avait pas grand à dire et tout le monde l’écoutait normalement, sans avoir à hausser le ton. C’était un gagnant né. » De l’intérieur du vestiaire de ses jeunes années, Franco Ferrucci abonde: « C’était un leader dans l’équipe, plus par les actes. Je n’ai pas souvenir de quelqu’un qui criait. » Sauf après les succès en mode rouleau compresseur sur le département: avec lui, c’était « doublé Coupe-championnat » assuré chaque année, et sans défaites au compteur!
Mais déjà sous l’habit de footballeur, se tricote celui d’entraîneur, voire de sélectionneur. Bernard Chevalier a du mal à l’avouer, même quarante ans plus tard: « il m’imposait bien quelques petites idées quand même, glisse-t-il un poil timide. Peut-être avait-il dans le sang de devenir justement entraîneur… Il nous glissait parfois: on fait jouer celui-là parce qu’en face, aujourd’hui, ils ont un peu moins bons. » Son compère de staff complète: « Il nous écoutait beaucoup, affine Daniel Guillot. Et s’il ne comprenait pas, nous discutions et parfois, nous changions des petites choses mais toujours pour le bien du collectif. Nous lui expliquions ce qu’il fallait faire. Nous nous parlions beaucoup. » « Je gardais quand même la main », coupe, malicieux, Bernard Chevalier.
Tous se retrouvent autour d’un mot: « Fierté, oui mais c’est lui qui fait, résume Jean Yves Rougemont, qui a encore une copie de son certificat médical du dossier d’inscription à Cannes. L’éducateur, que je fus l’a simplement accompagné et donné quelques bases. Il avait une sacrée volonté de partir à 15 ans et d’aller à Cannes, quitter sa maman, ses copains, ce n’est pas évident. Il s’est mis une certaine discipline très jeune. Pour moi, c’est une belle réussite. » Et Bernard Chevalier d’enchaîner: « Tout ce que j’ai fait pour lui à l’époque, c’est par amour et pas pour la gloire. Il sait où il va et il sait ce qu’il veut. Par son envie, sa motivation, il a eu ce qu’il voulait avec ses tripes. »
Il va falloir désormais changer des habitudes de téléspectateur: « Peut-être que je vais me mettre au foot féminin », avance prudemment Franco Ferrucci tandis que Daniel Guillot n’a qu’une hâte: « dès qu’il jouera dans la région, nous irons le voir sans problème, même s’il faut faire beaucoup de kilomètres. »
Et tous de lui prédire le meilleur: « Je vais lui souhaiter bonne chance dans l’équipe de France », lance Daniel Guillot quand Jean Yves Rougemont se veut confiant « Ce qu’il a fait à l’étranger, il peut le faire en France. » Quant à Bernard Chevalier, l’entraîneur trait d’union avec sa vie d’après à Cannes, il en sera quitte pour verser une petite larme: « Je n’aurais pas imaginé cette carrière d’entraîneur, conclut-il. Je pensais qu’il allait avoir une grande carrière de joueurs, d’abord. Mais finalement, c’est très bien: il a suivi mon chemin! » Et tous aussi d’espérer que ce premier poste, depuis celui de Lille en 2015, en France permettra à « leur » Hervé Renard, un retour plus régulier, là où tout a commencé.
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